Paul Valéry - Au sujet de la dictature (1934)
"[...] Le dictateur demeure enfin seul possesseur de la plénitude de l’action. Il absorbe toutes les valeurs dans la sienne, réduit aux siennes toutes les vues. Il fait des autres individus des instruments de sa pensée, qu’il entend qu’on croie la plus juste et la plus perspicace puisqu’elle s’est montrée la plus audacieuse et la plus heureuse dans le moment du trouble et de l’égarement public. Il a bousculé le régime impuissant ou décomposé, chassé les hommes indignes ou incapables ; avec eux, les lois ou les coutumes qui produisaient l’incohérence, les lenteurs, les problèmes inutiles énervaient les ressorts de l’État. Parmi ces choses dissipées, la liberté. Beaucoup se résignent aisément à cette perte. Il faut avouer que la liberté est la plus difficile des épreuves que l’on puisse proposer à un peuple. Savoir être libres n’est pas également donné à tous les hommes et à toutes les nations, et il ne serait pas impossible de les classer selon ce savoir. Davantage, la liberté dans